samedi 1 novembre 2008

Crise - Les dindons de la farce

C'est vrai que Noël approche à grands pas et que le commerce n'a de cesse d'inventer de nouvelles traditions, alors si décembre annonce la dinde, octobre aura plutôt été le temps du dindon. Crise économique et réformes obliges, il n'y a que le médiatique volontarisme du Président de la république qui a désormais droit de citer dans notre beau pays qui, c'est vrai n'a de démocratie que le nom. Et en matière économique le fossé ne peut donc que se creuser entre ceux qui dirigent et le bas peuple.


Une des conséquences assez manifeste est d'ailleurs que le premier des Français dans ces périodes pourtant bien troubles, ne s'est pas exprimé une seule fois en direct aux français alors qu'il sut le faire à tort et à travers par le passé. Non la communication ne passe que par des canaux bien identifiés, codifiés et maitrisés. Tour à tour, grandes banques, chefs d'entreprises, préfets, politiques locaux sont sollicités ou utilisés pour l'annonce du jour, sorte de long monologue aux allures de dictée officielle pour les journalistes suiveurs qui sont d'ailleurs quasi officiels eux-aussi. En plus, ils trichent car souvent ils ont le texte avant, enfin...
Ainsi, Nicolas Sarkozy s'est exprimé à l'Elysée pour affirmer qu'on ne pourra "pas éviter qu'il y ait des licenciements", en évoquant les difficultés économiques consécutives à la crise financière. Il faisait cette précision somme toute conséquente devant les préfets, trésoriers-payeurs généraux (TGP) - la centaine de hauts fonctionnaires du trésor qui gèrent les finances publiques au niveau des département - et les représentants des principales banques du pays. Avouons que les interlocuteurs devaient ne se sentir que trés indirectement concernés...

En Savoie, il s'était entouré d'un parterre d'entrepreneurs à Argonay pour évoquer la création "avant la fin de l'année" d'un "fonds stratégique d'investissement" français destiné à soutenir les entreprises qui seraient en difficulté face à la crise économique. Mais comme ce plan se concentre sur des "filières jugées stratégiques" je me demande combien de ces entrepreneurs présents pourraient en bénéficier. Alors bien sûr, il y a aussi l'exonération de taxe professionnelle pour tout investissement matériel dans les entreprises jusqu'en 2011 mais encore faut il être en mesure d'investir ce qui généralement témoigne d'une situation financière plutôt bonne donc pas trop en rapport avec la notion de crise. D'où la surprise d'ailleurs d'un François Fillon qui comprend mal d'être vilipendé en province comme lorsqu'il se rend à Manosque au siège de l'entreprise L'Occitane pour évoquer le développement local. Société de 416 millions de chiffre d'affaires, avec un réseau passé de 10 à 900 boutiques avec 2 200 salariés, on ne voit tout de même pas bien en quoi cette entreprise représente le tissu économique actuel. Alors forcément il y a comme un contraste avec le monde extérieur, même à Manosque.

Dans les Ardennes, c'était l'heure des annonces pour l'emploi, enfin pour ne pas être au chômage. Là encore, pas de salariés ou de citoyens en vue pour déclarer augmenter de 100.000 le volume d'emplois aidés. Les petites et moyennes entreprises pourront recruter des CDD sans restriction pendant une période limitée, ce qui n'est pas neutre mais se déroule lors de tables rondes triées sur le volet destinées à dialoguer avec des chefs d'entreprise mais aussi des chômeurs ou des personnes en CTP (Contrat de transition professionnelle). Un CTP que les 1.000 salariés licenciés par Renault vont expérimenter, ce qui pour un dispositif dédié aux PME est un peu curieux.... Bien sûr la politique n'est pas absente de cees rendez-vous choisis, Nicolas Sarkozy en profitant pour rallier à juste titre la position de Jospin face à Vilevorde. Mais venant de celui qui, à Arcelor-Mittal de Gandrange, affirmait «l'Etat est prêt à prendre en charge tout ou partie des investissements nécessaires»... laisse rêveur.

Beaucoup de mesures radicales, encore plus d'argent public engagé dans le secteur public, sans que nous n'ayons rien à dire ni aucune information sur les conséquences, en particulier fiscales, de ces mesures d'urgence frôlant l'affolement. Car tout ceci est fait pour nous bien sûr, c'est pour notre bien, enfin surtout pour le bien de la consommation et du crédit, deux variables qui ne peuvent passer que par les dindons que nous sommes. C'est la farce en quelque sorte. Si les banques sont refinancées c'est pour garantir qu'elles nous offriront encore des crédits, pour que nous continuions à prendre seuls le risque sans pouvoir escompter un moindre geste en cas de problème bien sûr. Le dindon de l'histoire est donc bien identifié : son contrat de travail est simplifié, les licenciements sont possibles, mais il doit emprunter et pouvoir rembourser...
Et pendant ce temps là, en l'espace de juste cinq séances, l'indice Dow Jones de la Bourse de New York a gagné 11,29 %. Paris, Londres et Francfort ont respectivement bondi de 9,38 %, 12,72 % et 16,12 %. A Tokyo, le Nikkei a gagné 12,13 %.
En toute discrétion, Wall Street a même réalisé, mardi, la deuxième meilleure performance en points de son histoire, le jour où l'indice de confiance des consommateurs du Conference Board s'effondrait à un niveau jamais vu, ce qui est en définitive tout un symbôle du grand écart en cours. Entre ce monde que les médias nous relatent à longueur de temps, et le nôtre.
Les dindons sont rôtis à point, merci et pour longtemps, une recette culinaire en vogue aux quatre coins de la planète et qui devraient même être universalisée à la faveur du prochain rassemblement des plus grands dirigeants de la planète à Washington. La capitale fédérale des Etats-Unis, vous savez, ce pays tout de même assez étonnant où un candidat qui se dit démocrate, peut être parce qu'il n'en est pas lui-même persuadé, est capable de dépenser 600 millions de dollars pour se faire élire et bénéficier ainsi de quatre fois plus de spots publicitaires que son rival dans les 18 Etats clés. Belle exemple de "vivre ensemble" qui doit réjouir les quelques 300 000 ménages américains dont le foyer a été récemment saisi...

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