lundi 27 août 2007

Economie - Service public, monopole et entreprises privées

Nous vivons en France sous un drôle de paradoxe : si le tout Etat a vécu, la droite au pouvoir depuis une décennie n'a pas créé un marché pur et parfait loin sans faut.
Il est de bon ton aujourd'hui de dédaigneusement évoquer les "fonctionnaires", d'imputer à cette catégorie dont "on" ne fait pas partie à la fois les déficits publics, la lourdeur administrative, l'improductivité française...
Et de louer par la même occasion le secteur privé source de toutes les richesses et de toutes les efficacités. Cette frontière intellectuelle et morale que l'on veut imposer m'interpelle et souffre d'une mise en situation au quotidien.
Ainsi, le monde de l'artisanat reste pour moi un grand mystère. Peu bricoleur, doux euphémisme, je tente de recourir régulièrement à leur service. Tente, disais-je... Difficulté de trouver un artisan disponible, besoin absolu de comparer, négocier, contrôler, vérifier, parfois nécessité de faire refaire... la Première entreprise de France comme se qualifie cette corporation évolue dans un contexte où l'amateurisme se conjugue à l'à-peu-près... et c'est peut être le meilleur symbôle de notre économie !
Le monde nébuleux des professions libérales n'est pas mal non plus. Sa seule évocation fait rêver, sûrement le concept de liberté, et le statut et les rémunérations sont de ce fait parfaitement justifiées et indiscutables. C'est assez cocasse d'incriminer les fonctionnaires comme cause absolue des déficits publics et de plaindre ces professions médicales pas assez rémunérées alors même que les comptes de la sécu qui les financent sont dans le rouge cramoisi. Oui, c'est vrai, je l'avoue, je trouve que mon médecin généraliste est trop payé, pareil pour le kiné qui m'a soigné la cheville dernièrement... on me rétorque qu'ils font beaucoup d'heures, ben ils ne sont pas les seuls, qu'ils ont fait beaucoup d'études ben ils ne sont pas les seuls non plus. A quand une adéquation de leur activité en rapport direct avec le marché ? c'est à dire une population qui s'appauvrit et un Etat exangue plutôt que de soutenir artificiellement l'activité ? Et à quand les premières fermetures de cabinets médicaux pour cause de dépôt de bilan ? Et que dire des avocats, notaires...
Le monde des grandes entreprises me semble le coeur même de notre imbroglio politico-économique qui veut que l'on prone le libéralisme mais pas trop... J'aime à mettre en parallèle cette doctrine avec l'attention que portent les politiques à leur progéniture : oui au libéralisme, à la remise en cause professionnelle tout au long de sa vie, aux incidents de carrière, aux changements d'orientation... mais pas pour les hommes politiques ni leurs familles, ni leurs proches. Il n'a qu'à voir le nombre de membres du gouvernement actuel et leur entourage passés par ces structures. Et c'est peut être une des explications possibles à cette dérive de notre économie qui veut que dans le secteur privé, des pans entiers soient protégés au-delà du raisonnable et de ce que pourrait accepter un marché équilibré. Au détriment du reste de l'économie. Les privatisations de l'ère mittérandienne avaient enclenché un processus devenu, sous les gouvernements successifs de droite un leitmotiv. Aujourd'hui, parcourez le CAC 40, vitrine scintillante et identifiez les entreprises quasi monopolistiques et accrocs au marchés publics : voilà notre économie dominante. Une économie de groupes fonctionnarisés. Oh certes ils génèrent des profits mais à quel prix ? pour quelle compétitivité ? quelles places laissent-elles aux autres entreprises ? celles qui ne sont pas introduites dans les milieux autorisés, qui n'ont pas accés à des marchés négociés, celles qui font notre économie réelle, celles qu'appelle de ses voeux Hervé Novelli, secrétaire d’Etat aux Entreprises (quel triste symbôle, un simple Secrétaire d'Etat pour les entreprises, un ministre pour l'agriculture et la pêche) et au Commerce Extérieur. Car pour expliquer le déficit record du commerce extérieur, il stygmatisait récemment le faible nombre d’entreprises moyennes et le manque d’innovation. Ben oui mais en favorisant les uns on pénalise les autres mon bon monsieur.
Diminuer le service public est présenté comme la solution. Elle ne règlera rien. Il faudrait diminuer cette économie para-publique. Alors, à quand une limitation des grands groupes (Vivendi, Vinci, Véolia, Suez...) et de leurs insaisissables filiales, l'imposition de règles strictes de concurrence avec les PME et la mise en oeuvre d'accès aux marchés publics réservés au vrai tissu économique constitutif de notre richesse ? A coup sûr cela ferait de sacrées économies pour l'Etat.
Cela ferait du grabuge chez les amis du pouvoir certes. Car curieusement le monde politique ne sait s'afficher qu'avec le CAC 40.
Mais il est vrai qu'"On ne donne rien si libéralement que ses conseils" disait De la Rochefoucauld...

1 commentaire:

bisane a dit…

Vous n'êtes pas tendre avec les toubibs et autres kinés !!!

Mais l'analyse est intéressante...

Ai fait un petit lien dans cet article: La Réforme de l’Université : une libéralisation ?