vendredi 13 mars 2009

Michel Rocard et la tentation internationale

C'est assurément l'information politique de la semaine, en tout cas celle qui se place naturellement en pôle, Michel Rocard va être nommé Ambassadeur de France chargé des négociations internationales relatives aux pôles Arctique et Antarctique, rien que ça.
Au crépuscule de sa vie politique, il s'en va rejoindre le paradis blanc, où les nuits sont si longues qu'on en oublie le temps. Voilà qui ne manquera pas de lui permettre de méditer sur la solitude des hommes de pouvoir et leurs incontournables traversées du désert, blanc cette fois-ci. Premier Magistrat de Conflans Sainte Honorine en 1977, Premier Ministre en 1991, Premier Secrétaire du PS en 1993 et donc Premier Ambassadeur des Pôles en 2009, ce n'est pas vraiment que la boucle soit bouclée, plutôt que le voyage prend une autre sacrée tournure. A 78 ans, il peut toujours se rassurer en arguant que le froid conserve mais le réchauffement climatique ne l'autorise guère à espérer devenir le Michel Hibernatus de la politique française qui, une fois décongelé, ferait son grand retour sur la scène française..
L'annonce a d'ailleurs curieusement jeté un froid du côté de l'ANPE et des Assedic qui avaient cru comprendre qu'il prenait la tête de leur pôle, emploi. Mais il s'agit en réalité des pôles Nord et Sud, ces espaces vierges mais menacés qui seront désormais l'objet de toutes ses attentions. Pour ce fervent défenseur de la décentralisation il touche au sublime en étant délocalisé aux extrèmes de notre planète. A part être mandaté pour une mission sur Mars pouvait-il rêver mieux ? Celui qui fit l'auto-détermination de la Nouvelle-Calédonie est en passe de s'adresser directement aux derniers ours blancs. De la marche de l'Empereur à Bienvenue chez les Inuits, son ultime engagement trouvera peut être une suite cinématographique, qui sait ?
Des éléphants du PS aux morses de l'Antarctique, il y a toutefois comme une marge que l'intéressé va devoir combler pour tenter de crédibiliser une nomination bien politique. Mais les nominations, c'est ce qu'il reste aux vieux hommes politiques de tous bords quand ils n'ont plus rien... et c'est assurément une stratégie habile de Nicolas Premier qui consiste à inclure puis exclure, un coup de piston si vous voulez : je pratique l'ouverture en intégrant des figures de gauche, je les éloigne de l'hexagone en les nommant aux quatre coins du monde. La formule a déjà fait recette puisque nous avons un Ambassadeur des Fonds Monétaires à Washington et que, plus récemment, a été entraperçu un Ambasseur culturel à Cuba. Ségolène Royal, toujours imprévisible, avait anticipé le mouvement en s'auto-désignant Ambassadrice du pouvoir d'achat en Guadeloupe. Un privilège déjà vu à droite par exemple chez Renaud Dutreil, Ambassadeur du Luxe à New York.
On comprend dés lors mieux les travaux de la commission Balladur et toute la grandeur des mutations engagées : le mille-feuille français va être puissamment réformé mais, afin de limiter la crainte des élus locaux, ils deviendront tour à tour des élus internationaux!
Un bémol cependant consiste tout de même à s'interroger sur les économies réelles possibles de ces chers, trés chers Ambassadeurs. Mais pour l'image de la France, on ne va quand même pas lésiner sur les moyens ?
Les semaines à venir seront chargées puisque bien des prétendants font tourner leur globe en se demandant impatiemment : à qui le tour ?
On imagine Alain Juppé piaffant de se trouver un autre point de chute que le Québec, déjà vu. Jean-Pierre Raffarin rêvant de Pékin, De Villepin de l'Onu, certains allant même jusqu'à en appeler à Jules Verne pour se retrouver, tel François Bayrou, au centre de la Terre...
Rama Yade, après Strasbourg, a cette fois refusé le Sénégal, elle exagère, alors que Rachida Dati accepterait volontiers Dubaï... pour les casaniers il y aura tout de même de l'exotisme puisque Fadela Amara se serait vu proposer le poste d'Ambassadeur des zones sensibles à... Neuilly ! Jean-Louis Borloo également pourrait ne pas quitter la France mais sa joie fut de courte durée puisqu'il est annoncé du côté ... d'Evian. Michelle Alliot-Marie avait le choix entre deux destinations, la nouvelle Ambassadrice du vatenguerre s'implantera finalement à Kaboul, elle n'y croisera pas Roselyne Bachelot, notre Ambassadrice de la Santé Publique investissant, avec ses tailleurs, Bombay.
Allez savoir si dans cette grande redistribution des cartes, Olivier Besancenot ne se verrait pas proposer une Ambassade à Oust-Kout, en Sibérie, et Jean-Marie Le Pen un Bureau de représentation française à Berchtesgaden pour ses vieux jours... On murmure en tous cas que Christine Lagarde se retirerait au Tibet comme Ambassadrice des crises qui n'en sont pas vraiment.
Dans ces conditions, le rattachement de la France à l'Otan était devenu une obligation puisque nous quadrillons le Monde de nos élites et qu'il faut tout de même faire passer à nos pays, amis ou ennemis, la pilule de la présence de nos forces d'occupation...
Il y a toujours, dans ces temps de réforme ambitieuse, des rabats-joie tel Bernard Kouchner qui ne voit pas bien où il pourrait être affecté qu'il ne connaîtrait déjà même s'il avoue un petit faible pour l'Afrique, le climat sans doute... Quand à notre Johnny national, il rappelle à son pote Nico qu'il est déjà en poste en Suisse au grand désarroi de Julien Dray qui s'y voyait déjà, au pays des horlogers, tandis que Christian Clavier réside dans un autre pays étranger plus méditerranéen, la Corse. Parmi les autres amis du Président, David Douillet, Ambassadeur des pièces jaunes aurait été aperçu au Lichtenstein alors que Gilbert Montagné ne voit pas du tout où il pourrait aller....
Mais trêve de plaisanterie, dans la démocratie bleu-blanc-rouge de 2009, les nominations ne font pas rire grand monde, que l'on soit à la tête de France Télévision ou d'une banque en fusion, c'est Nicolas qui choisit.
Dès lors, ses meilleurs ennemis peuvent s'attendre à découvrir les charmes des plus arides déserts de la planète tandis que ses compagnons de fortune rejoindront des paisibles rivages ensoleillés. On craint pour Martine Aubry le désert de Gobie et pour Jean-François Copé la Patagonie. Daniel Conh Bendit payerait son étiquette verte en étant parachuté quelque part en Amazonie et Xavier Bertrand, et bien Xavier Bertrand deviendrait Ambassadeur de France en France, à Matignon. Ce qui permettrait à François Fillon de se doter enfin de l'autre destin dont il a toujours rêvé, Ambassadeur du pince sans rire à Saint Pierre et Miquelon.
Ainsi va notre politique, constante quelque soit les limites géographiques qu'elle veut bien se donner, et c'est peut être là que nous pouvons nous inquiéter. Mais à quoi bon ? vous ne voudriez tout de même pas vous exiler ? et pour aller ou ? maintenant, ils sont partout !!! L'est fort ce Nicolas !

3 commentaires:

Anonyme a dit…

En parlant de nomination, quid de celle de Thomas Devedjian au Fonds stratégique d'investissement alors que papa est en charge de la relance ?
Ca a un nom ca ?

Anonyme a dit…

En revanche la fille d'Alain Marleix l'a eu dans l'os : le CA de l'université Paris IV a définitivement bloqué son recrutement il y a deux semaines.

ytty54 a dit…

relance bien ordonnée commence toujours par soit même ?