J'ai beau retourner le problème dans tous les sens, seul, je sombre. Hausse des matières premières, stagnation des salaires, montée des taux de crédit, durcissement du marché de l'emploi... les menaces s'accumulent sur mon modeste quotidien.
Au départ, j'ai cru qu'il me suffirait de faire des économies en attendant le retour de la croissance tant annoncée depuis 20 ans. Ensuite, je me suis forcé à être raisonnable dans un monde qui ne l'est pas, voire qui m'incite à ne pas l'être. Après je me suis mis à rêver, ça ne coûte rien les rêves. Notez que ça ne rapporte pas grand chose non plus. Finalement je me suis trouvé le goût du risque. Ce risque qui par chance, presque magie, peut vous faire changer de condition, de vie. Tout en vous évitant de mettre en cause un système, de dénoncer toute inégalité puisque le gain miracle peut tout changer. Loto, loto sportif, unibet ou betclic, j'ai beaucoup investi sur des marchés porteurs mais incertains. Inversement de tendances, déprimes, crac boum J'ai beaucoup perdu aussi. C'est la loi du marché non ?
Mais aujourd'hui, ma situation empire sans que je ne puisse y apporter seul une solution viable. Moults errements plus tard, ma décision est prise. Je vais me faire nationaliser. J'ai besoin, oh de pas grand chose, une petite recapitalisation de rien du tout histoire de passer le cap. La chance va revenir je le sens c'est juste une question de confiance. Faites moi confiance ! je ferai le reste, surtout si je gagne, vous n'entendrez plus jamais de moi...
Sur ces entrefaits me voilà en route pour la Préfecture. A part la Préfecture la plus proche je ne vois guère où je pourrais me faire nationaliser. D'autant que je n'avais aucune envie de me départementaliser maintenant et de devoir bientôt me régionaliser ou me communautariser demain. J'arrive donc à la Préfecture. Et là, surprise, d'une facilité déconcertante me voilà orienté vers le guichet qui va bien. Trop confiant je me retrouve rapidement en passe d'être... naturalisé mais vu que je possédais déjà la nationalité française...
Les esprits s'échauffent un peu. Mon dossier sous le bras je réclame un responsable. Tout juste daigne t'on m'indiquer qu'il ne reçoit pas les petits porteurs... ce devrait être une obligation ! En mal d'action, je me décide à provoquer la rencontre d'avec le Préfet. A l'approche de son Cabinet, j'entend une voix forte, je manque de défaillir. C'est lui ! Alors je balance tout. Les paiements qui s'accumulent, les ressources qui viennent à manquer, et le recours, ultime mais sublime, l'Etat , lui quoi. Nationaliser plus pour perdre moins m'écriais je à bout d'arguments. Enfin quoi Fortis ou Dexia plaident l'accident de parcours et l'argent public vole à son secours, pourquoi pas moi.
Mais l'homme passe son chemin sans un regard, peut être est il d'ailleurs perdu ce regard. Pour un serviteur de l'Etat, jouer au pompier passe encore, mais se substituer aux conseillers financiers, cela fait beaucoup. Son désarroi ne fait que renforcer mon intime conviction. En attendant que l'on restaure prestemment des banquozes, version moderne et monétaire de feu les sovkhozes, je rentre chez moi en attendant sereinement ma prochaine expulsion.
Le loto n'a décidemment plus le monopole des slogans racoleurs, désormais l'Etat sauveur, plus que providence, peut aussi s'écrier : à qui le tour ?
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