Petite scène de la vie économique quotidienne, quand l'argent public coule à flot pour sauver, maintenir, accueillir tout et son contraire... Quand Daewoo s'installe dans le bassin de Longwy à la fin des années 80, c'est la liesse et l'ambition retrouvée. Après le choc de la chute radicale de la sidérurgie, un processus de diversification industrielle se met en place. Les élus de tous bords affluent saluer ce beau bébé. Dans cette zone qui a perdu plus de 9 000 actifs, l'espoir est donc de mise. Devant cette opportunité quasi inespérée, rien n'est trop beau pour faciliter la vie du grand sud-Coréen : toutes les aides imaginables sont sollicitées au niveau européen (Feder), national (Prime d’aménagement du territoire) régional (Prime régionale à la création d’emploi, aide régionale à l’immobilier d’entreprise) sans oublier l'implication des fonds normalement destinés au reclassement des sidérurgistes. A ces apports sonnants et trébuchants, il faut ajouter l'effort des collectivités pour la mise à disposition gracieuse de réserve foncière, l’aménagement des sites, le démontage de voies ferrées ou la construction d'infrastructures. On pourra difficilement évaluer plus tard l'engagement public à la somme astronomique de 46 millions d'euros !
Pour une des usines Daewoo, celle de fours micro-ondes à Villers-la-Montagne, l’année 2002 annonce déjà les difficultés qui mèneront finalement trés vite à la fermeture des trois sites de production lorrains. Stupeur et consternation n'y changeront rien, l'entreprise quitte la Lorraine en licenciant tout son personnel. Les années passent et seule la désolation et le silence habitent ces grands hangars vides jusqu'à ce que... comme un petit miracle : Le nouveau site de production de Faurecia, sous-traitant automobile, est décidé à... Villers-la-Montagne sur les lieux exacts ou Daewoo extorqua jadis les fonds publics français.. L'inauguration se déroule en présence des mêmes acteurs publics qu'autrefois, le 29 Novembre dernier. Sur le site rénové de l'ancienne usine Daewoo, Faurecia a investi plus de sept millions d'euros pour y employer 195 personnes qui fabriqueront des inserts d’appuie-tête et des palonniers de siège. Un site rénové, et oui, par la grâce de quelques 5 millions d’euros engagés par les partenaires publics pour permettre le rachat et l’aménagement des anciens locaux Daewoo... Oui mais c'est tout de même pour créer 195 emplois sauf qu'il s'agit en fait du transfert effectif de l'équipement et du personnel en provenance du site Faurecia de Pierrepont, ville voisine ! Parallèlement, l’équipementier automobile Faurecia, filiale de PSA, annonce qu'il va même supprimer 110 emplois dans son usine de... Pierrepont. On croît rêver ! La direction de l'équipementier Faurecia, enchaîne d'ailleurs en prévoyant aussi le projet de fermeture, d'ici à l'été 2008, du site de Celles-sur-Plaine (Vosges), spécialisé dans la production de fils et garnitures métalliques pour sièges automobiles. L'usine emploie une centaine de salariés dont un quart en contrats précaires.
La suite logique d'un vaste "plan de redéploiement industriel" entraînant 690 suppressions de postes en France d'ici 2008, sur un total de 3.584 salariés. Le site de Brières-les-Scellés, dans la zone industrielle d’Etampes, est particulièrement touché, avec 380 emplois supprimés d’ici à la fin de l’année 2008, sur un total de 1.614... Curieux pari économique que d'engager de l'argent public dans ce contexte surprenant et pesant aurpès d'un acteur économique aussi volatile. D'autant plus qu'au même moment, l'équipementier, pas encore installé dans ses nouveaux locaux, doit reconnaître avoir perdu le nouveau marché de son plus gros client, la Sovab, implantée à quelques kilomètres et qui assure la fabrication de véhicules utilitaires en particulier pour Renault ! Mais la roue de la fortune publique se poursuit puisqu'une nouvelle implantation est annoncée, le vainqueur du marché Sovab 2008, l' équipementier... espagnol Antolin, leader des garnitures d'automobile qui prévoit de s'installer dans une zone industrielle toute proche. Reste juste à construire l'usine qui devrait employer 134 personnes. Une nouvelle usine flambant neuve de 10 950 m² dédiée à la production de sièges automobiles qui n'attend plus que... quelques financements publics ! Les collectivités territoriales et l'Etat réapparaissent au chevet de ce projet de 10,2 millions d'euros. Alors, c'est vrai que l’industrie automobile est fortement implantée en Lorraine avec environ 125 entreprises (constructeurs, équipementiers, fournisseurs de rang 2 et plus, ...) et plus de 22 000 salariés. Sans compter un tissu dense de co-traitants qui porte à 35 000 le nombre d'emplois concernés. Mais enfin l'usage inconsidéré de ces financements rend tout emploi maintenu si coûteux et si peu pérenne !
Des millions pour un éphémère passage asiatique, des millions pour réhabiliter les sites désertés au profit d'une entreprise qui en profite pour fermer d'autres sites, et quelques millions pour assurer l'installation d'un concurrent... Tous décidés par les mêmes acteurs à la mémoire courte et aux poches pleines, pleines de l'argent des concitoyens dilapidés dans la précipitation, le court terme et l'amateurisme.
Alexandre Dumas nous recommandait pourtant : "N'estime l'argent ni plus ni moins, c'est un bon serviteur et un mauvais maître".
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